samedi 31 mars 2007

Zombie (2ème partie)

Georges A. Romero est l’exemple parfait de ce genre de cinéastes que Martin Scorsese dans son «Histoire du cinéma américain» appelle les contrebandiers. Pour l’auteur de «Taxi Driver», un contrebandier est un réalisateur qui sous couvert de réaliser un film de genre place en réalité un message très personnel, en général moral ou politique.

Les films de genre, surtout ceux à mauvaise réputations, ont souvent servis de véhicules à des discours contestataires : premiers porno des années 70 truffés de message libertaires, blackploitation américaine qui donnait enfin la parole aux noirs, films de vampires réalisés par Andy Warhol aux parfums ambiguës d’érotisme.

Zombie offre une sorte d’exemple parfait de ce type de détournement, en effet sous couvert de «survival/horror», Romero livre un brûlot anti-capitaliste qui passe à la moulinette l’american way of life.

Explication et démonstration par l’image :

  • Dés le début du film, une des injonctions donnée à la télévision est d’abandonner les propriétés privées.
  • Réfugier dans un immense centre commercial, les quatre survivants vont se livrer à une frénésie de consommation, peu importe que le monde s’écroule si les supermarchés sont remplis.
  • En parallèle, l’explication fournie au fait que les zombies hantent le centre c’est la continuation de leur activité phare lorsqu’ils étaient vivants. Le rêve du capitalisme, des morts qui continuent de consommer.
  • Le film va jusqu’au bout de la démonstration en transformant l’hypermarché en camp de concentration
  • Les pillards qui viennent mettrent le Mall à sac suivent une logique de redistribution des biens beaucoup plus marxiste, le casque allemand du chef des pillards signal clairement que cette option politique ne semble pas préférable
  • Roméro exprime également tout le bien qu’il pense de la télévision.
  • Enfin ce qui va provoquer la fin de la sécurité pour les quatre héros, ce n’est finalement pas l’attaque des pillards, mais la décision de défendre par les armes cette propriété si chèrement acquise.


Ce qui force le respect dans Zombie, c’est la cohérence.
Les deux niveaux du film cohabitent parfaitement. D’un coté, la survie au milieu de l’apocalypse constitue un thème réellement philosophique et universel (pas étonnant que la tentation du suicide soit si présente), de l’autre la critique politique, dans l’affrontement entre l’individu et le collectif justifie également l’emploi de moyens narratif extrêmement tranchés.

Zombie (1ère partie)
Dawn of the dead

1978 – USA – Georges A. Romero
http://www.imdb.com/title/tt0077402/

Partie 1 : Le début

Je n’aime pas trop le principe des listes de films préférés. Il y a tout simplement trop de films dans ma filmothèque idéale et je détesterais l’idée d’avoir à choisir parmi eux. Pourtant il y en a bien 4 ou 5 qui se détachent de l’ensemble et pour lesquels je voue un culte respectueux. Zombie est incontestablement tout en haut en haut de mon panthéon cinématographique perso, mon Citizen Kane à moi.

Pour ce film hors norme, je vous propose non pas un, mais plusieurs post, afin d’explorer l’incroyable richesse de ce que je considère comme le meilleur film du monde ( et pas seulement le meilleur film d’horreur du monde).

Commençons par le commencement, et justement celui de Zombie est exceptionnel. Deux scènes d’anthologie font immédiatement basculer le spectateur dans le postulat narratif du film : « C’est la fin du monde car les morts reviennent à la vie sous forme de monstres qui mangent les vivants ».

Télé-réalité

Première scène, un plateau de télévision héberge un débat houleux entre un journaliste et un invité (dont nous ne connaîtrons jamais ni l’identité, ni le champ d’expertise). Sans avoir jamais vu pour de vrai un plateau télé, l’ambiance de celui-ci est évidemment «extra»-ordinaire. Un caméraman quitte sa machine pour apostropher directement l’invité, un autre technicien balance une brassée de papier devant l’objectif, toutes les personnes sur le plateau interpellent bruyamment l’invité qui essaye, avec beaucoup de mal, de dérouler un discours « rationnel » expliquant que les morts-vivants doivent être annihilés.

Dans cette ambiance de surexcitation, des informations plus factuelles sont délivrées. Comme un goutte à goutte, elles vont venir nourrir la paranoïa régnante en provoquant systématiquement un affrontement entre les protagonistes :

  • les adresses des abris de secours pour la population sont jugées peu sures par certains techniciens qui pensent même qu’elles constituent un piége pour le public. Le producteur de l’émission ne pensant qu’à l’audience impose qu’elles restent à l’écran.

le processus de transformation des morts en zombies et la façon de les détruire («en détruisant leurs cerveaux ou en séparant leurs têtes du reste du corps») est froidement décrit par «l’invité» et vient heurter la sensibilité et les émotions des personnes présentes.

Voila ce qui s’appelle «planter le décor», Georges Romero réussi une des meilleurs scènes d’exposition possible, son montage est nerveux, mais pas hystérique, le style est très proche de celui d’un documentaire. En moins de dix minutes il se paye même le luxe d’introduire des thèmes puissants comme celui de la responsabilité des médias ou de l’engagement individuel.

Gore

Deuxième scène, l’assaut d’un squat mélants insurgés et zombies par des forces spéciales. Pour les spectateurs ayant émotionnellement résistés à la scène précédente, impossible de ne pas basculer définitivement dans la tension du film. Romero crée une séquence «bigger than life» en utilisant son arme favorite : la transgression et son fils naturel, le gore.

Transgression à tous les étages, en effet, insurgés massacrés au fusil à pompe sur la terrasse, membre des forces spéciales hystérique abattu par un de ses propres collègues, femme dévorée vivante en gros plan, suicide de policier, laborieuse élimination de dizaine de morts-vivants et caves remplis d’orgies anthropophages…

Si la première scène est graphiquement soft, cet assaut offre des images de violence graphique d’un niveau rarement atteint en 1978 et encore aujourd’hui.

Comme Alex dans «Orange Mécanique», Romero nous inflige un véritable traitement de choc destiné à nous faire perdre nos repères et à gommer la distance entre le film et la réalité. Résultat une identification complète aux quatre héros qui vont tenter de survivre pendant le reste du film.

jeudi 8 mars 2007

Le survivant
The Omega man

1971 - USA - Boris Sagal
http://www.imdb.com/title/tt0067525/


En tant que cause de mon trauma originel, « Le survivant » me semble le film idéal pour inaugurer ce blog, de plus il répond en tout points aux canons idéaux du genre F2FDM : Catastrophe planétaire = Accident dans le complexe militaro-industriel (bien post VietNam) ; un virus mortel provoque la mort de tous les être humains sur terre. Tous ? Non ! Un irréductible savant immunisé par miracle résiste encore et toujours. La vie après le choc = Heston dans son penthouse rempli de domotique des années 70 et sa lutte contre des mutants.

Son pitch existentiel « c’est la fin du monde, SAUF pour MOI », balaie son improbabilité grâce à sa simplicité, son évidence et une imagerie surpuissante : C’est une large rue de L.A. en plein jour, normale mais vide de toute présence. Pas un passant, une voiture en mouvement, un bruit. Les détails qui tuent : déchets emportés par le vent, vitrines brisées, véhicules accidentés et le silence, le tout filmé en 2 :35.

La première partie du film, la meilleure, propose presque une visite touristique de cet univers. « A droite vous remarquerez le squelette dans la concession automobile… », L.A. comme l’ultime Disneyland apocalyptique.

Le lyrisme graphique du début est époustouflant ; de lents panoramiques dévoilent des paysages urbains désertés. Le film revient ensuite vers une direction plus classique tout en restant très spectaculaire.

« Le survivant » doit beaucoup à « La nuit des morts-vivants » sortie trois ans plus tôt. Sa dureté, son pessimisme et l’ « expression corporelle » des mutants rappel sans ambiguïté le film de G.Romero. Mais Charlton Heston contre balance cette tendance « Indépendant » (et dieu sait que « La nuit ... » est un film indé) en labellisant « Major » dés qu’il apparaît. Ce mélange est particulièrement efficace.

La fin offre un grand morceau de bravoure « symbolique » à Charlton Heston, qui ne se fait pas prier pour mettre le paquet. Après Ben Hur et Moïse il est le Christ.

Pour finir, quelques devinettes, «saviez-vous que ce film est le remake de «The last man on earth» avec Vincent Price ? Réponse : non. Une autre ? Savez-vous qui interprète le rôle titre de la nouvelle version qui sort fin 2007 ? Will Smith ! Une dernière pour la route, de quel livre sont tirés tous ces films ? « I'm a legend », roman de Richard Matheson, titre français : "Je suis une légende".

mardi 6 mars 2007

How I Learned to Stop Worrying
and Love the Bomb

Profession de foi

Goodbye World

Les films ayant comme décor des représentations réalistes de la fin du monde m’ont toujours attiré singulièrement.

C’est sans doute la vision de Charlton Heston dans « La planète des singes » ou plus encore dans « le survivant » quand j’était ado, qui m’a fait découvrir l’intensité dramatique exceptionnelle de ce thème.

Transe

L’ouverture de « Zombie » représente pour moi le summum de ce genre. L’ambiance extraordinaire qui se dégage de ce plateau TV qui, au réel comme au figuré, part en live est hypnotique. La sensation que « si ça devait arriver ça ressemblerait à ça » atténue la virtualité du sujet, et s’adressant directement à nos émotions elle crédibilise son incroyable emphase : « on va tous mourir »Dans un esprit de filmothèque idéale à la Tarantino (prochain blog sur les films de sous-marins…), ce blog est destiné à partager l’excitation de plein de chouettes moment de cinéma, de parler de film, d’artistes, de genre…

Genre

« Mais, c’est quoi ce genre : Les films de la Fin du Monde ? ».

Bonne question.

Un VRAI film de la fin du monde (f2fdm) raconte ce qu’il arrive pendant mais surtout APRES l’élément déclencheur de la catastrophe planétaire (virus, E.T., …).

Par exemple, « Terminator 3 » ou « Dr Folamour » ne sont pas des films de fin du monde, l’holocauste nucléaire n’arrivant qu’aux derniers instants du film. « Tremblement de terre », « Volcano » et autre « Pic de Dante » ne collent pas non plus, trop locaux. En fait ils appartiennent au genre films catastrophe. La ou ça se complique, c’est quand un film, « le jour d’après » par exemple, appartient à la fois au genre f2fdm et au genre film catastrophe… Et oui, les F2FDM sont transversaux, ils peuvent également appartenir à l’horreur au fantastique ou au compte philosophique !

Un vrai F2FDM parle de ces moments ou, après le choc, ce qui reste de l’humanité repart. «Malvil», « The day After », « Le monde, la chair et le diable », par contre répondent complètement au cahier des charge du film dûment estampillé F2FDM.

Vos suggestions pour ce blog welcome.

Prochain post : 1er film : « Le Survivant »